Samedi de Lazare, 11 avril 2020
Pour le dimanche des Palmes
Très chers fidèles et amis,
Maintenant que nous avons vécu la revivification de Lazare, forts de notre enthousiasme commun, nous pouvons nous masser sur le chemin que vous connaissez entre Béthanie (au-delà du Mont des Oliviers, vers Jérusalem, pour clamer avec les descendants de Jacob (« les fils d’Israël ») notre Humble Roi, monté sur un ânon, en chantant « Hosanna au plus haut des cieux, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ». Avec eux nous portons des branches de lauriers ou de buis pour montrer aux yeux du monde qu’Il est humble ET vainqueur. Et, puisque cette année le « confinement » nous empêche de sortir, et de porter des rameaux verts, ce sont les fruits de notre foi et de nos vertus que nous pouvons offrir à Dieu en signe d’acclamation. Tant il est vrai que les sacrifices qui plaisent à Dieu ne sont pas les dons matériels, mais les dons intérieurs : la foi, l’espérance et l’amour selon Dieu.
Pour orienter notre méditation, et peut-être nos conversations familiales, nous vous présentons trois homélies patristiques sur ce thème.
Bonne fête que nous vivons en communion invisible, mais plus profonde que jamais, si c’est possible, et bonne entrée dans la Grande semaine.
Dans l’amour du Christ, et avec Lui,
Père Elie et les sœurs
Saint André de Crète (660-740), moine et évêque
Sermon pour les Rameaux
PG 97, 1002 (trad. Orval)
« Hosanna ! béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël » (Jn 12,13)
Courage, fille de Sion, ne crains pas : « Ton roi s’avance vers toi ; il est humble, et monté sur un âne, le petit d’une ânesse ». Il vient, lui qui est partout présent et remplit l’univers, il s’avance pour accomplir en toi le salut de tous. Il vient, « lui qui n’est pas venu appeler les justes, mais les pécheurs à la conversion », pour faire sortir du péché ceux qui s’y sont fourvoyés. Ne crains donc pas : « Dieu est au milieu de toi, tu es inébranlable ». Accueille en élevant les mains celui dont les mains ont dessiné tes murailles. Accueille celui qui a accepté en lui-même tout ce qui est nôtre, sauf le péché, pour nous assumer en lui… Réjouis-toi, fille de Jérusalem, chante et danse de joie… « Resplendis, car voici ta lumière, et la gloire du Seigneur se lève sur toi. »
Quelle est cette lumière ? « Celle qui illumine tout homme qui vient au monde » : la lumière éternelle… apparue dans le temps ; lumière manifestée dans la chair et cachée par cette nature humaine ; lumière qui a enveloppé les bergers et conduit les mages ; lumière qui était dans le monde dès le commencement, par qui le monde a été fait et que le monde n’a pas connue ; lumière qui est venue chez les siens et que les siens n’ont pas reçue.
Et la gloire du Seigneur, quelle est-elle ? C’est sans aucun doute la croix sur laquelle a été glorifié le Christ, lui, la splendeur de la gloire du Père. Lui-même le disait à l’approche de sa Passion : « Maintenant, dit-il, le Fils de l’homme est glorifié et Dieu est glorifié en lui, et il le glorifiera bientôt ». La gloire dont il parle ici, c’est sa montée sur la croix. Oui, la croix est la gloire du Christ et son exaltation. Il l’a dit : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tout à moi »
Saint Grégoire Palamas,
Homélies, 15 ; PG 151, 184-195.
Le simple peuple, voyant tous les miracles du Christ, crut en lui, non seulement en ayant envers lui une foi silencieuse, mais aussi en proclamant sa divinité en actions et en paroles. Car, après avoir réveillé Lazare d’un sommeil de quatre jours, Jésus prit un âne que ses disciples lui avaient amené, selon la narration de l’évangéliste Matthieu, le monta et entra ainsi à Jérusalem selon la prophétie de Zacharie : « Ne crains pas, fille de Sion, voici ton Roi qui vient à toi, le Juste, le Sauveur ; il est humble et monté sur un âne, le petit d’une ânesse»(Zach.9, 9). Par ces paroles le prophète montre que le Roi ainsi prédit était ce Roi qui seul est appelé à juste titre « Roi de Sion ». Car il veut dire : ton Roi ne doit pas inspirer la crainte par son aspect, il ne doit être ni sévère ni cruel, il n’a pas de gardes du corps ni d’escorte, il n’entraîne pas derrière lui une foule de fantassins ni de cavaliers. Il n’agit pas avec rapacité, n’exige pas des impôts ni des taxes, ni des services ou des fonctions non moins viles que nuisibles. Mais ses attributs sont l’humilité, la pauvreté, la modestie. Il fait son entrée sur un âne, sans déployer aucune escorte humaine. C’est pourquoi lui seul est le Roi juste qui sauve dans l’équité, et qui est doux en même temps, car la douceur est ce qui le caractérise. Aussi le Seigneur a-t-il dit de lui-même : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » (Mt.11, 29). Lui donc, qui avait ressuscité Lazare, ce Roi trônant sur un âne, fait ainsi son entrée dans Jérusalem. Et toute la foule, presque tous les enfants, les hommes, les vieillards, étendant leurs vêtements et prenant des branches de palmier, qui sont l’insigne de la victoire, sont venus au-devant de lui comme vers l’auteur de la vie et le vainqueur de la mort, devant qui ils se prosternaient, et qu’ils escortaient non seulement au-dehors, mais au-dedans des remparts de la ville, chantant d’une seule voix : « Hosanna au Fils de David ! Hosanna au plus haut des cieux » (Mt21, 9) ! Cet hosanna est un hymne adressé à Dieu. Il se traduit : « Sauve-nous, Seigneur ! » Ce qu’on ajoute : « au plus haut des cieux », montre qu’il n’est pas célébré seulement sur terre ni seulement par les hommes, mais dans les cieux et par les chœurs des anges.
Sermon de saint Épiphane, évêque de Chypre
« Fille de Sion, réjouis-toi », sois dans l’allégresse, Église de Dieu. « Voici que ton Roi vient à toi », va au¬-devant de lui, hâte-toi de contempler sa gloire. Voici le salut du monde : Dieu vient vers la croix et le désiré des nations fait son entrée dans Sion : la lumière vient, crions avec le peuple : « Hosanna au Fils de David. »Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le Seigneur Dieu nous est apparu à nous qui étions assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. Il est apparu, résurrection de ceux qui sont tombés, libération des captifs, lumière des aveugles, consolation des affligés, repos des faibles, source des assoiffés, vengeur des persécutés, rachat de ceux qui sont perdus, union des divisés, médecin des malades, salut des égarés. Hier, le Christ ressuscitait des morts Lazare, aujourd’hui, il court à la mort ; hier, il arrache Lazare aux bandelettes qui le liaient, aujour¬d’hui, il tend les mains à ceux qui veulent le ligoter. Hier, il arrachait cet homme aux ténèbres, aujourd’hui, pour les hommes, il s’enfonce dans les ténèbres et l’ombre de la mort. Et l’Église est en fête. Elle commence la fête des fêtes, car elle reçoit son roi comme un époux, car son roi se tient au milieu d’elle.
Au milieu de l’Église vient le Christ comme un olivier qui oint ceux qui espèrent en lui de l’huile de la miséricorde. Au milieu de l’Église, il se tient, racine de Jessé qui pousse des rameaux plus anciens que le monde. Au milieu de l’Église, il se tient, source éternelle d’où jaillissent non plus les fleuves du paradis, mais Matthieu, Marc, Luc et Jean, irriguant le jardin du Christ. Aujourd’hui, comme des plants d’olivier, supplions le Seigneur, plantés dans la maison du Seigneur, dans les parvis de la maison de notre Dieu célébrons un jour de fête. Avec Paul, je m’écrie : « L’être ancien a disparu, l’être nouveau est là. » Réjouis-toi, Église dont le veu¬vage prend fin. Tu n’es plus soumise au sang de l’esclave, mais tu es signée du sang de Dieu.
Aujourd’hui, les cieux, la terre et les enfers chantent ensemble avec tous les esprits : « Saint, Saint, Saint le Seigneur Dieu de l’univers », les Prophètes s’écrient : « joie au ciel, exulte la terre », un autre Prophète nous dit : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », Zacharie proclame : « Voici un homme et un Dieu tout ensemble, son nom est Orient », et David, regardant celui qui est de sa race selon la chair : « Le Seigneur Dieu nous est apparu. » Tandis que les prêtres le maudissent, les enfants l’adorent et les docteurs le calomnient. Les enfants disent : « Hosanna ! » et les Hébreux : « Crucifie-le ! » Les uns viennent avec des palmes, les autres avec des épées, ceux-ci avec des rameaux, ceux-là avec une croix, ceux-ci jettent à terre leurs vêtements, ceux-là se préparent à tirer au sort ceux du Christ. Ceux-ci offrent leurs louanges et ceux-là du vinaigre : voilà le sens de la fête d’aujourd’hui, de la venue du Seigneur, de l’entrée en Sion du Roi des Rois. C’est pourquoi, frères, nous devons aller au-devant de lui, nous qui sommes ces foules qui viennent à la fête.
P.S. Pour que vous soyez en communion avec nous, sachez que le monastère fonctionne comme tous les jours, aux horaires normaux de cette période de l’année, et ce, durant toute la Semaine Sainte et au-delà. Chacun peut s’y associer soit en temps réel, soit en « décalé », mais nous respectons in situ les règles sanitaires requises.
Bien à vous.
Père Elie