Mardi 14 avril 2020
Pour le Grand Mercredi
Très chers amis et fidèles
Mes frères en Christ
Comme lundi et mardi, ce leitmotiv de nos trois jours : l’apolytikion de l’orthros :
« Voici que survient l’Époux au plein cœur de la nuit ! Bienheureux celui qu’il trouvera éveillé et malheureux celui qu’il trouvera indolent, car il sera jugé indigne ! Vois donc ô mon âme, ne te laisses pas vaincre par le sommeil : à la mort tu serais livrée, hors de Royaume tu serais rejeté. Mais éveille-toi en criant : « Saint, Saint, Saint es-tu ô notre Dieu ».
Le carême est terminé depuis quatre jours. Nous nous apprêtons à revivre ces moments intenses de mort-résurrection. Celle du Christ a fortiori, la nôtre a priori, mais au niveau d’existence où nous nous situons par la grâce de Dieu, nous sommes hors du temps. Passé et futur se confondent réellement, pas seulement dans notre mémoire ou dans notre imagination. Temps sacré où l’on accède par la prière et accessible par la foi. Bref, avant ce « mémorial mystique », après notre effort carêmique, c’était le temps du bilan personnel. Et force nous est de constater que notre nature déchue est bien engluée dans la bassesse de ce monde et de notre égoïsme qui nous érigent en dieu contre Dieu. Finalement je peux rechanter les « lamentations d’Adam » que saint Silouane nous a léguées et que nous lisons chaque année durant le repas vespéral du dimanche du pardon. Oui, je suis pécheur, je suis par ma faute hors du Paradis vers lequel mes yeux se tournent néanmoins avec nostalgie !
Mais sombrer dans la tristesse ou le désespoir serait en blasphème, une non-foi en la miséricorde infinie de Dieu. Et pour nous encourager, l’Église aujourd’hui nous rappelle l’épisode de la pécheresse pardonnée, parce qu’elle avait eu l’audace de se repentir. Elle a montré son amour plus grand que ses fautes à Jésus, faisant fit des jugements et des ragots de l’entourage masculin des disciples, en versant ses larmes sur les pieds de Jésus puis en les enduisant d’un parfum précieux avant de les essuyer de ses cheveux. Elle partageait ainsi la même odeur que Lui et manifestait sa communion libre avec ce qu’Il vivait et allait subir ! Son repentir lui a valu d’être prophète : elle annonçait l’embaumement de Celui qui allait être crucifié dans quelques heures, et elle s’y associait intérieurement, mais non moins intensément ni moins douloureusement !
En contraste avec cette scène mystique et extraordinairement émouvante, nous voyons aussi Judas Iscariote vendre son Maître parce qu’il n’adhérait pas à la conception de Celui-ci du salut du monde, de Son rôle de « messie », de restaurateur de la royauté davidique. Ce geste l’a amené à se pendre… L’une acceptait la destinée incompréhensible du Maître, l’autre la refusait. L’une obéissait sans comprendre, l’autre refusait de ne pas comprendre, i ne voyait que sa logique individuelle - et bornée. Entre les deux attitudes, nous pouvons choisir : ou prétendre au salut parce que nous pensons le mériter, l’obtenir par nos forces et notre autojustification, ou offrir, présenter humblement devant Dieu notre faiblesse, notre mauvaiseté, et nous en remettre à Lui pour notre salut, mais en L’aimant, sûrs de Son infinie miséricorde.
Saint Éphrem le Syrien (mort 373) dans le texte que nous vous offrons, nous présente la démarche intime de cette femme pécheresse, de bienheureuse mémoire, et la lecture de cette homélie ne manque pas de nous associer à elle, de nous identifier à sa démarche peine d’espérance.
P. Élie et les sœurs.