La race Charmoise, un modèle d’adaptation pour un élevage en crise

La naissance d’une race débute presque toujours comme une belle histoire.

En 1841 un éleveur d’avant- garde, Edouard Malingié souhaite fixer un nouveau type de mouton permettant de produire à la fois une viande et une laine de qualité.

A cette fin, il réalise, dans sa propriété de La Charmoise en Sologne orléanaise, les premiers croisements complexes entre des béliers anglais New Kent et des brebis métissées à partir de multiples variétés locales.

Ainsi, il obtient une race, dont il fixe rapidement les caractères par éliminations successives, et à laquelle la renommée donne très vite le nom des lieux qui l’ont vue naître.

A sa mort, en 1852, de nombreux éleveurs de la région de Montmorillon, dans la Vienne, achètent des lots importants du troupeau ainsi constitué. Ils en assurent la multiplication et la diffusion, liant de la sorte les destinées de la Charmoise à ce secteur géographique, qui rappelle d’ailleurs un peu son terroir d’origine, et devient ainsi bien vite son berceau d’élection.

En 1899 est fondé le syndicat des éleveurs de cette race. Réorganisé en 1926, il obtient dès l’année suivante son affiliation au registre catalogue des races françaises.

Commence alors une remarquable expansion, qui se prolongera un demi- siècle durant. Les avantages de ces animaux, conformation et surtout sobriété, font qu’ils remplacent progressivement et avantageusement les autres populations locales, pourtant vigoureusement implantées.

En 1932, le siège social du livre généalogique de La Charmoise est transféré à Montmorillon, qui devient vraiment le centre d’activité de cette race. Des concours spéciaux y sont tenus à partir de cette date, ainsi qu’à Limoges et à Poitiers.

L’après- guerre confirme l’intérêt que porte la boucherie à ces animaux. Aux concours d’ovins abattus de Paris, la Charmoise se classe première à maintes reprises, avec une mention exceptionnelle en 1953. Pour confirmer cette réputation, un concours de carcasses sera organisé à partir de 1957 dans le berceau de race.

L’exportation d’animaux s’effectue vers plusieurs pays; elle est même parfois massive, comme vers l’Espagne, qui achète 220 béliers et 910 brebis en 8 ans, dont 100 béliers pour la seule Année 1971.

Cependant, résistant mal à l’engouement pour des animaux de plus gros gabarit et de prolificité supérieure introduits dans son berceau et ailleurs, la Charmoise va connaître un sensible tassement dans les années 80. En dépit de la création d’une UPRA en 1975, l’effectif d’animaux inscrits diminue.

Malgré cela, ses qualités bouchères vont lui permettre d’effectuer un redressement : elle va s’imposer dans le domaine même qui la menaçait, en produisant, par croisement avec les races prolifiques, des brebis métissées dites F1, qui conjuguent les qualités des deux races parentales, et donnent couramment, en croisement terminal, deux agneaux bien conformés qu’elles élèvent facilement.

De plus, le bélier de La Charmoise demeure irremplaçable pour la lutte des agnelles, où il procure l’assurance de mises- bas sans problèmes.

Depuis 1996, l’effectif de la Charmoise se stabilise autour de 24 000 brebis dans 490 élevages sur 25 départements, parmi lesquels une quarantaine d’élevages sélectionnés, base et prébase, détiennent environ 3 400 brebis contrôlées sur 18 départements.

L’union de coopératives Insem Ovin, près de Limoges, distribue pour sa part les meilleurs béliers de la race par insémination artificielle.

La race de La Charmoise connaît actuellement un regain de faveur du fait de son adéquation aux nouvelles orientations de l’élevage ovin. En effet, celle que le président Guy de Boisgrollier définissait si bien comme  »la plus rustique des races perfectionnées et la plus perfectionnée des races rustiques » a su conserver cette belle alliance de qualités, tout en montrant de grandes facilités de conduite et d’agnelage, ainsi qu’un désaisonnement naturel remarquable, assez exceptionnel chez une race à viande.

Tous ces atouts la désignent comme partenaire privilégiée d’un monde rural qui tend à retrouver sa qualité de vie, et d’un espace agricole dont l’aménagement et la gestion préparent les voies de l’avenir.